Le Proche-Orient éclaté 1956-2012 ( I- II )
(Septième édition, mise à jour et augmentée)
Gallimard – folio histoire 2012
Pourquoi, depuis presque un quart de siècle, cet ouvrage fait-il à ce point référence pour comprendre l'évolution du Proche-Orient contemporain? Parce qu'il est le fruit d'un regard porté de l'intérieur de cette région sur la confrontation entre l'Orient et l'Occident. Libanais, économiste, Georges Corm se situe au carrefour de ces deux cultures, dont il mesure les ambitions, les réussites et les échecs. II analyse notamment les prétentions occidentales à régir des peuples et nations orientaux - prétentions s'appuyant sur des valeurs universalistes mais légitimant, somme toute, un interventionnisme dicté par des intérêts qui n'ont rien en partage avec l'humanisme des discours.
Lire Georges Corm, c'est apprendre à se décentrer, c'est prendre le risque de ne plus tenir pour évidentes les idées simplistes sur lesquelles se fondent en Occident chancelleries, spécialistes patentés, conseillers autoproclamés et médias aveuglés, c'est d'abord entendre la parole de l'Autre.
L'originalité foncière et reconnue de cette entreprise sans équivalent? Georges Corm, convaincu que le drame du Proche-Orient, région d'une complexité immense, vient des représentations simplistes qui dictent les politiques des puissances occidentales comme des régimes arabes, construit son oeuvre en deux temps. D'abord, les outils de compréhension - les cadres mentaux des camps en présence et les jeux troubles de la mémoire et de la perception aux sources d'un Proche-Orient introuvable parce que imaginaire.
Puis, éclairé par cette première partie, le récit historique des événements, de 1956 - date symbole du renouveau d'un interventionnisme occidental qui, jusqu'au début du XXIe siècle, prétendra remodeler la région en sa faveur - à 2012, c'est-à-dire jusqu'aux divers printemps arabes et leurs ambiguïtés.
Comme toutes les éditions précédentes, celle-ci laisse ouverte la question de l'avenir, et des espérances que nourrit encore Georges Corm, longtemps préoccupé par la permanence de la décadence, et qui concluait naguère : «Au fond, quels qu'aient été mes efforts de lucidité, j'ai toujours été en deçà de l'horreur qui pouvait encore survenir au Proche-Orient voué au malheur depuis plus d'un demi-siècle.»